Un chasseur parmi la meute



D'aussi loin qu'il se souvienne, Licos Agria a toujours vécu en marge, même dans le petit hameau de Gué-Tordu, où il est pourtant difficile de se fondre dans la foule. Élevé par son père seul, Korakos le chasseur, son enfance se résuma à une lutte permanente pour la survie dans la misère la plus totale. Dans cette région peu giboyeuse, Korakos était souvent obligé de s'éloigner de plusieurs jours de marche pour trouver des proies, et l'enfant était alors laissé à lui-même, dans leur cabane au fond des bois. Là, avec pour seuls maîtres les arbres immenses et muets et pour seuls compagnons les bêtes sauvages, il apprit à vivre en loup plus qu'en homme.

Ce n'est que lorsque Licos atteignit l'âge de dix ans que son père prit conscience de toute l'étendue du désastre. Un jour qu'il était rentré bredouille, agacé, il avait frappé son enfant pour une broutille, et se retrouva soudainement aux prises avec un petit sauvageon, tout de griffe et de dents, empli d'une fureur véritablement animale... Lorsque que Licos se calma, essoufflé, Korakos gisait à terre, sévèrement griffé, et contemplait effaré la meute de loups qui se tenait en cercle autour d'eux. Horrifié, il réalisé qu'en dix ans, il n'avait jamais montré à son fils d'autre société que la sienne, et que même le hameau de Gué-Tordu lui était inconnu. Son fils était devenu un membre de la Meute, loup plus qu'homme. Il prit sa décision, et le lendemain tous deux quittaient le fond de la forêt pour s'installer, péniblement, en bordure du village.

Les années qui suivirent furent rudes pour le jeune homme qui dut apprendre tous les codes de la vie en société, mais ne se sentait lui-même que dans les espaces libres où il pouvait s'adonner à son plus grand plaisir : la chasse. Il était inégalable pour traquer une proie et la pister infatigablement jusqu'au coup final, et même son père, chasseur expérimenté, n'avait pas son talent pour la discrétion et le pistage, d'autant qu'avec l'âge sa fougue diminuait sensiblement.

Licos, lui, ne fut jamais qu'à demi civilisé, mais suffisamment pour se lier d'amitié avec les seuls autres jeunes gens du village, de son âge à peu près. Il n'était jamais le premier à parler mais se sentait auprès d'eux comme auprès de la meute de son enfance : entouré de gens qui le comprenaient et l'acceptaient pour ce qu'il était. Son enfance avait aiguisé tous ses sens aussi bien qu'affûté son esprit, et il les écoutait parler longuement de voyages, d'horizons inconnus, d'endroits où se sentir plus vivant que dans cet endroit mort. Ces récits ont toujours allumé une lueur avide dans ses jeunes yeux.

C'est peut-être lui qui a, le premier, parlé de partir vraiment ; c'est peut-être un autre, il ne le sait plus vraiment, tant tout se fond entre eux quand il y repense. Il sait simplement qu'il ne suivra pas le destin de son père, vieux chasseur d'un vieux village, obligé de survivre avec un cœur mort.

Il courra, libre, et vivra. Comme un loup ou comme un homme, ou peut-être entre les deux.














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